Cette élégante cheminée « Osaka » provient de la Société Deville & C^ie implantée à Charleville-Mézières, concurrente historique de la Société du Familistère. L’appareil, fabriqué uniquement sur demande spéciale, est peu répandu. Le modèle, daté de 1929, apparaît sur plusieurs catalogues commerciaux de l’entreprise carolomacérienne de 1933 à 1936 conservés par le musée. La cheminée, montée sur roulettes et garnie d’une poignée sur la devanture, peut être déplacée d’une pièce à l’autre sans éteindre le feu. Le décor de l’enveloppe en fonte émaillée de couleur bleue s’inspire du style Art Déco en vogue dans les années 1920-1930. Les lignes cubiques aux angles marqués, le décor de facettes géométriques, le motif de palmette pour la poignée de réglage et de lignes droites qui ornent le revers de l’appareil ainsi que le style typographique sont caractéristiques de ce courant artistique.

La cheminée « Osaka » propose une interprétation moderne de la cheminée dite « Salamandre » créée en 1883 et brevetée par Edmond Chaboche (1857-1929). L’ingénieur français invente le poêle mobile, monté sur roues, en fonte à feu continu et visible. Le succès est immédiat grâce à l'utilisation du mica qui permet de voir les flammes à l'intérieur du foyer, à sa forme plate qui lui donne une apparence distincte des appareils commercialisés jusqu’alors, et à ses aménagements techniques qui confèrent à cet appareil des qualités hygiéniques (une entrée d'air additionnelle permet la combustion des oxydes de carbone). La décoration soignée de la cheminée, dans un style très « art nouveau », confiée à l’artiste Gustave Joseph Chéret (1838-1894), contribue également à la réussite de l’appareil. Le riche décor contient entre autres une salamandre, symbole de la résistance au feu, et qui lui donne son nom. La cheminée de Chaboche, plébiscitée par le public, devient une référence pour les fabricants concurrents qui s’en inspirent fortement. Le modèle original de 1883 est alors copié par les différentes fonderies en activité y compris par la Société du Familistère. L’entreprise Deville & C^ie propose également dans ses catalogues de vente plusieurs interprétations de la célèbre « Salamandre ».

La société Deville & C^ie trouve son origine dans l’atelier de fabrication de clous établit par les frères Alfred et Émile Corneau en 1846 à Charleville-Mézières. En 1859, ils s’agrandissent en acquérant une fonderie de seconde fusion dans la même ville au cœur d’une boucle de la Meuse. La production prend de l’ampleur au cours du Second Empire et se spécialise notamment dans la fabrication de pièces d’ornement en fonte à usage domestique et d’appareils de chauffage qui feront la renommée de l’entreprise. Rapidement, les frères Corneau associent leurs gendres, Albert Deville et Henri Pailliette, aux affaires. À la mort d’Alfred Corneau, ces derniers prennent la direction des usines dont la raison sociale devient « Deville, Pailliette et C^ie ». En 1911, Alfred Deville et son fils, Raymond, détiennent la totalité des parts de l’entreprise, rebaptisée « Deville & C^ie ». Dans les années 1920, les fonderies Deville & C^ie occupent une place importante sur le marché des appareils de chauffage et représentent un concurrent sérieux de la Société du Familistère. En 1954, l'entreprise s'oriente vers les appareils de chauffage au mazout mais opère un retour aux poêles à bois et au charbon, comme la plupart de ses concurrents, à la suite du choc pétrolier de 1973. En 2016, la société est reprise par le groupe ardennais INVICTA, spécialisé dans le chauffage au bois, qui commercialise encore aujourd’hui la marque Deville.

La cheminée « Osaka » a été restaurée en 2019 avec le concours du Département de l’Aisne et de l’État (ministère de la Culture et de la Communication).

Bibliographie :
Tarif-Album n° 69 des Fonderies et constructions Deville & C^ie, Imprimerie Nuez Léon, Paris, 1933, p. 17.
Jessica (Dos Santos), Dos Santos (Jessica), L’Utopie en héritage. La Société du Familistère de Guise, de la mort de Jean-Baptiste André Godin à la dissolution de l’association (1888-1968), Lille, Thèse de doctorat, Université Charles de Gaulle – Lille III, 2012, 827 p.
https://www.deville.fr/a-propos/ (consulté le 21 avril 2019). Site d’entreprise.
http://arnauld.divry.pagesperso-orange.fr/CHABOCHE.htm (consulté le 21 avril 2019). Site personnel consacré à l’entreprise Chaboche.