La repasseuse est un poêle permettant de chauffer les fers à repasser. Les premiers modèles de ce type d’appareil, numérotés de un à douze, apparaissent sur le catalogue de 1870 des Fonderies et manufactures Godin-Lemaire. Il existe trois types de repasseuse : le modèle simple (le corps du foyer est à pans inclinés pour offrir une surface plane à chaque fer), le modèle à portes et le modèle à enveloppes. Chacune de ces catégories comprend quatre grandeurs (poêle pour cinq, six, sept ou huit fers). La repasseuse n° 8 Bis est à enveloppes et à sept fers. La commercialisation de ces poêles s’interrompt en 1914, à l’exception des modèles dix et onze, qui figurent sur l’album de 1927. Grâce à la raison sociale moulée sur le plateau « Godin-Lemaire […] à Laeken », il est possible de dater la période de fabrication de cet exemplaire entre 1870 et 1880, date à laquelle cette dénomination n’a plus cours. Le poêle provient de la succursale belge de la Société du Familistère dont les ateliers fonctionnent de 1858 à 1962.

Ce genre d’appareil, comportant plusieurs fers, pouvait être utilisé par les blanchisseuses et les repasseuses travaillant en atelier mais aussi dans des établissements tels que les pensionnats, les couvents et les hospices. La production des fonderies et manufactures Godin ne se limite pas à la commercialisation d’articles de chauffage et de cuisine à usage domestique. Plusieurs appareils (cuisinières, poêles, buanderies portatives, lavabos, etc.) sont spécifiquement destinés aux lieux publics comme les restaurants, les cafés, les magasins, les écoles, les hôpitaux ou les ateliers. Les albums édités par la Société mentionnent ce type d’utilisation. Il se pourrait que la repasseuse n° 8 Bis ait été destinée à ce genre d’usage. Généralement, les particuliers chauffaient directement les fers sur leurs cuisinières en fonte.

Cet appareil a été acquis par le musée équipé de six fers à repasser issus de manufactures concurrentes. Les repasseuses de la Société du Familistère étant vendues sans les fers, il n’est pas surprenant que ceux retrouvés avec le poêle ne soient pas de la marque Godin. Cinq des fers à repasser proviennent des trois grandes entreprises de ferronnerie installées à Bouillon, ville des Ardennes belges marquée par une tradition métallurgique séculaire.
Le fer à repasser estampillé des initiales « DC » est issu des établissements Devillez-Camion spécialisés dans la production de quincaillerie et de ferronnerie pour le bâtiment. L’histoire de l’entreprise remonte à la fin du XVIII^e siècle lorsque Louis Devillez installe ses ateliers dans cette cité de la vallée de la Semois. En 1854, les établissements adoptent la raison sociale Devillez-Camion suite au mariage de sa fille, Clémence Devillez, avec Adolphe Camion. L’usine fonctionne jusqu’en 1978 avant d’être détruite dans les années 1980.
Les deux fers portant l’inscription « HGD » ont été fabriqués par les établissements Gérard & Didier. En 1854, Hyacinthe Gérard et Eugène Didier établissent dans un ancien moulin une fabrique de charnières. La production se diversifie vers la quincaillerie et les ferrures de portes et de volets. L’entreprise devenue HGD SA existe encore aujourd’hui, devenant le dernier témoin de la tradition métallurgique à Bouillon.
Les fers à repasser marqués d’une étoile proviennent de la Ferronnerie Bouillonnaise, entreprise fondée en 1895. L’usine est spécialisée dans trois secteurs de production : la ferronnerie (quincaillerie du bâtiment), la fonderie (fonte mécanique pour de multiples usages) et l’aluminium (industriel et ménager). Dans les années 1960-1970, les établissements souffrent de la concurrence internationale à l’instar de Devillez-Camion. Les deux groupes sont rachetés par les établissements Scheurs, puis fusionnés créant la société Devilca-FB, disparue aujourd’hui.
Le sixième fer présentant l’inscription « M » a été fabriqué par les fonderies Nestor Martin installées à Huy (Belgique). La famille Martin, établie dans la vallée du Hoyoux, possède depuis les années 1840 une petite fonderie de cuivre et une forge d’orfèvre. C’est en 1854 que Nestor Martin (1825-1916) y crée une fonderie de fer qui marque le début de l’aventure industrielle exceptionnelle du groupe Martin. Les ateliers produisent dans un premier temps des objets domestiques de facture commune tels que les fers à repasser, puis des articles aux finitions plus soignées (bacs à charbon, porte-parapluies, croix et garnitures funéraires, etc.). Nestor Martin investit rapidement le secteur porteur de la fabrication des cuisines et des poêles en fonte. Dès 1872, l’entreprise se lance dans la commercialisation d’appareils émaillés de couleurs. Fort de son succès, l’industriel ouvre de nouveaux sites en Belgique et en France. La première unité de production française est installée en 1882 à Neuve-Forges (Les Mazures-Ardennes) avant d’être transférée à Revin (Ardennes). En 1925, l’entreprise familiale se scinde en deux sociétés anonymes distinctes : « Usines et Fonderies Nestor Martin » en Belgique et « Usines et fonderies Arthur Martin » en France, qui comptent parmi les principaux concurrents de la marque Godin.

Bibliographie :
Album des Fonderies et manufactures Godin-Lemaire du 1er janvier 1870, Guise, Imprimerie de D. Berthaut, [1870], p [77].
Gourdin (Michel), « Les industries métallurgiques à Bouillon », 2017, [en ligne], URL : http://www.alisna.be/index.php/bulletins/63-janvier-2018-les-industries-metallurgiques-a-bouillon (consulté le 31 juillet 2019). Lien invalide le 9 juin 2020.
« Nestor Martin », Dictionnaire des Wallons, [en ligne], Connaître la Wallonie, URL : http://connaitrelawallonie.wallonie.be/fr/wallons-marquants/dictionnaire/martin-nestor#.XtEOijozbb0 (consulté le 28 mai 2020).
http://www.hgdsa.be/index.php?lang=fr&task=about&ccode=presentation (consulté le 9 juin 2020). Site d’entreprise.
Informations fournies par l’association PHER (Patrimoine, Histoire et Étude du Repassage) à Sebourg (Nord).