La deuxième exposition universelle organisée par le second Empire, après celle de 1855, se tient à Paris du 1er avril au 31 octobre 1867. Les produits de l’agriculture et de l’industrie concourant aux récompenses étaient divisés en 8 groupes, subdivisés en 84 classes. La commission impériale avait prévu de distribuer aux exposants cent médailles d’or, 1000 médailles d’argent et trois milles médailles de bronze. Mais le nombre élevé des propositions de distinction faites par les jurys des différentes classes amena le conseil supérieur de l’exposition à augmenter de façon considérable le nombre de médailles, moyennant une réduction de leur taille de 68 à 50 millimètres de diamètre : le nombre de médailles d’or passa de 100 à 1 176, celui des médailles d’argent, de 1 000 à 4 435, et celui des médailles de bronze, de 3 000 à 7 434. Le modèle adopté des médailles de 68 mm devait présenter, sur l’avers, la tête laurée de l’empereur, et au revers, deux génies portant un cartouche sur lequel serait frappé en relief le nom du candidat. Les nouvelles médailles, du module de 50 millimètres portaient encore la tête laurée de l’empereur, mais le revers avait été simplifié : les génies avaient disparu. La distribution solennelle des grands prix, par Napoléon III, eut lieu le 1^er juillet 1867 au Palais de l’industrie. Les médailles furent remises aux lauréats par la commission impériale entre le 15 novembre 1867 et le 29 février 1868.

Après avoir exposé sa production à l’Exposition universelle de Londres en 1862, les Fonderies et manufactures Godin-Lemaire participent à l’Exposition universelle de Paris en 1867. Elles sont représentées dans la classe 24 consacrée aux appareils de chauffage et d’éclairage. Jean-Baptiste André Godin a des échanges assez vifs avec Frédéric Le Play, commissaire général de l’exposition de 1867, sur le sujet du lieu de l’exposition. L’industriel se plaint que « l’établissement le plus important qui soit au monde dans l’industrie des appareils de chauffage » doive exposer dans une annexe du Palais de l’industrie, il menace de se retirer du nombre des exposants de la classe 24 et réclame un emplacement dans le Palais proprement dit. Le Play paraît accorder un emplacement de trois mètres dans le Palais pour que Godin expose deux ou trois produits remarquables . La production de la manufacture Godin-Lemaire est finalement récompensée par une médaille d’argent, du modèle de la médaille à la tête laurée de l’empereur.

La médaille d’argent conservée au Familistère pourrait aussi être celle qui récompense la manufacture Godin-Lemaire dans la classe 93 des « Spécimens d’habitations caractérisées par le bon marché uni aux conditions d’hygiène et de bien-être ». Le commissaire général de l’Exposition universelle de 1867, l’économiste Frédéric Le Play, avait créé un nouveau groupe d’exposants, le groupe X dévolu aux « objets spécialement exposés en vue d’améliorer la condition physique et sociale de la population ». La classe 93 de ce groupe constituait la première exposition internationale consacrée au logement ouvrier. Godin avait considéré qu’il avait été empêché par l’Empire d’exposer le Familistère à l’Exposition universelle de 1867. Celui-ci avait été cependant l’une des cent-dix « institutions créées en France par les chefs d’industrie et les ouvriers » décrites dans l’enquête préparatoire à l’exposition d’économie sociale de l’Exposition universelle de 1867. La conclusion du rapport sur l’établissement de M. Godin-Lemaire (qui reprend probablement les notes transmises par Godin à Frédéric Le Play) ne traduit pas de préventions à l’égard du Familistère : « Liberté complète laissée aux ouvriers ; ni grève, ni chômage depuis 1846 ; conservation de l’esprit de famille, propreté, politesse ; rapports de confiance entre les ouvriers et le patron » (Exposition Universelle de 1867. L’enquête du dixième groupe..., 1867, p. 89). Si les rapporteurs de l’Exposition universelle de 1867 pour les habitations ouvrières font la part belle à la maison individuelle, ils mentionnent expressément le Familistère (et uniquement lui) parmi les institutions n’ayant pas participé au concours : « C’est ainsi notamment que le Familistère fondé à Guise (Aisne) par M. Godin-Lemaire n’a figuré à l’exposition ni sous forme de modèle ni sous forme de dessin, bien qu’il doive, à coup sûr, occuper un rang important parmi les établissements dont le but est l’amélioration du logement de la famille ouvrière » (Chevalier, 1868, p. 949). Une médaille d’argent est attribuée à « Godin-Lemaire » dans le nouvel ordre de récompenses.

Sources et bibliographie :
Paris, Bibliothèque centrale de prêt du Conservatoire national des arts et métiers, fonds Godin, correspondance (FG15) : lettres de Godin à Frédéric Le Play, 14 octobre 1866 et 10 mars 1867 ; lettre de Godin à son fils Émile, 20 mars 1867.
Exposition universelle de 1867, à Paris. Liste générale des récompenses décernées par le jury international, Paris, Imprimerie impériale, 1867, p. 133 et 592.
Exposition Universelle de 1867. L’enquête du dixième groupe. Catalogue analytique des documents, mémoires et rapports exposés hors classe dans le dixième groupe et relatif aux institutions publiques et privées par l’État, les départements, les communes et les particuliers pour améliorer la condition physique et morale de la population, Paris, E. Dentu, 1867.
Chevalier (Michel) dir., Exposition Universelle. Paris. 1867. Rapports du jury international, t. XIII : Groupe X Classes 89 à 95, Paris, Imprimerie administrative de Paul Dupont, 1868.
Commission impériale. Rapport sur l'Exposition universelle de 1867, à Paris…, Paris, Imprimerie impériale, 1869, p. 178, 191-200.
Godin (Jean-Baptiste André), Solutions sociales, Guise, Les Éditions du Familistère, 2010 (réédition de l’ouvrage paru en 1871), p. 366-367.