De 1892 à 1914, la manufacture du Familistère fabrique trois modèles de grands porte-parapluies à miroir et à porte-chapeaux. Ces meubles sont particulièrement décoratifs. Leur structure en fonte de fer imite des matériaux naturels : des rinceaux de feuillages pour le n° 9 et du bois courbé pour le n° 19. Le porte-parapluies n° 10, quant à lui, semble fait de morceaux de cannes de bambou, droits ou courbés, ligaturés entre eux. D’autres modèles de porte-parapluies « genre bambou », de petite taille, figurent également à la même période sur les catalogues de la Société du Familistère. Avec de telles productions, celle-ci souhaite flatter le goût du public pour le japonisme dans les arts décoratifs. Dans la seconde moitié du XX^e siècle, les créateurs et les fabricants japonais et européens proposent un mobilier d’inspiration naturaliste, en bambou notamment. À Vienne, par exemple, où l’Exposition universelle de 1873 a révélé à l’Occident les arts du Japon, les grands manufacturiers Thonet Frères appliquent aux cannes de bambou leur technologie de cintrage des bois pour réaliser de nouveaux meubles en bois courbé.

La structure du fond du porte-parapluie n° 10 est composée de deux parties moulées chacune d’une pièce : une partie haute et une partie basse correspondant au porte-parapluie à proprement dit. Elles sont assemblées entre elles par boulonnage. Notons que cet assemblage a dû présenter des faiblesses au fil du temps puisque de grossières plaques métalliques de renforts ont été placées au revers. Les porte-chapeaux, le miroir et le porte-parapluies sont, eux, boulonnés sur la structure du fond. Les éléments formant porte-chapeaux figurent des cannes de bambou pleines. Pour le reste, seules des demi-cannes sont représentées, pour des raisons d’économie de fabrication. L’opération de moulage est réalisée par panneaux de grandes dimensions et non pièce à pièce. L’illusion est toutefois parfaite, puisque le meuble est destiné à être adossé à un mur.

Le meuble est dit « peint genre bambou » sur les catalogues de la manufacture. La fonte de fer présente en effet une jolie patine brun foncé rehaussée de jaune bronze à l’emplacement des nœuds du bambou et des ligatures. Les catalogues ne précisent pas la nature de la « peinture » revêtant le meuble. Il semble que les éléments de fonte ont été plongés dans un bain de couleur jaune bronze (présente sur le revers) et qu’une patine brun foncé a été appliquée ensuite à la brosse sur les surfaces visibles, en pratiquant des « essuyés » pour faire ressortir la couleur de fond.

La base du porte-parapluie est équipée de deux cuvettes en fonte de fer émaillées en blanc.

Le modèle du porte-parapluies n° 10 se trouve sur les catalogues de la Société du Familistère de 1898 à 1914. Il réapparaît sur l’album de reconstitution n° 3 de 1923 : le modèle de 1923 est identique à celui de 1892, mais il semble qu’il a été alors fabriqué avec des modifications. Un exemplaire du porte-parapluie n° 10 appartenant à une collection privée, présente, en façade, une tige courbe supplémentaire de maintien de la lisse du porte-parapluies et, à l’arrière, des renforts de fixation des deux parties formant la structure du fond. Ces renforts sont marqués du numéro du modèle : « 10 ». Cet exemplaire du porte-parapluie est frappé du logotype « Godin » inscrit dans un ovale, propre à la gérance de Louis-Victor Colin (1897-1933).

Sources et bibliographie :
Album général de la Société du Familistère de Guise Dequenne & C^ie. Novembre 1898, Saint-Étienne, Imprimerie, lithographie et papeterie A. Waton, 1898, p. 559.
Album général des appareils de cuisine, chauffage et bâtiment de la Société du Familistère Colin & C^ie. Mars 1903, Saint-Étienne, Imprimerie A. Waton, 1903, p. 436.
Album général de janvier 1914 de la Société du Familistère de Guise Colin & C^ie, Saint-Étienne, Imprimerie Bruyère, 1914, p. 432.
Album de reconstitution n° 3 de la Société du Familistère de Guise Colin & C^ie. Octobre 1923, Saint-Étienne, Imprimerie J. Bruyère, [1923], p. 110.