Revue de chantier n°2 - Cryogénie

Depuis 2000, les chantiers de restauration du Palais social, classé aux monuments historiques depuis 1991, se succèdent. La façade sud du pavillon central a déjà fait l’objet de deux campagnes de travaux : le corps central surmonté du belvédère est restauré en 2015 et les deux extrémités de la façade sont restaurées en 2019. Les deux parties courantes restaient à traiter pour achever la restauration de la totalité de cette façade. Débuté en octobre 2022, le chantier doit être exécuté en l’espace de 9 mois.

Comme tout chantier en hauteur, les travaux ont commencé par le montage des échafaudages, finalisé en novembre. La structure a été complétée par un « parapluie », afin de protéger la charpente et le plancher des combles lors de la découverture. Cette première phase de travaux terminée, les ouvriers ont réalisé un premier nettoyage des parties courantes à l’eau sous pression. La pollution et la poussière retirées, le décapage des briques par cryogénie peut enfin commencer.

Traitement par le froid

Début janvier, un premier essai de cryogénie a été réalisé sur 2m² de surface, en présence du maître d'œuvre. Le nettoyage par cryogénie est une forme de décapage non abrasif, préféré au micro-sablage (Cf. revue de chantier n°1) : de la glace carbonique est projetée sur les briques à l’aide d’un pistolet à air comprimé relié à un compresseur.

La glace carbonique est du CO₂ glacé, maintenu à une température de -78,5° C.

Cette méthode de nettoyage, particulièrement minutieuse, nécessite une qualification particulière : le jet est projeté sur une brique à la fois ! Ainsi, l’opération est pratiquée par un seul ouvrier, qualifié dans le domaine. La durée de cette opération, commencée le 16 janvier, est estimée à trois semaines.

Le « tas de briques »

Les chantiers monuments historiques du Familistère sont systématiquement confrontés à de nouvelles problématiques. L’une des difficultés majeures de cette restauration est d’établir un plan du décor d’origine de la façade.

Afin de mettre en valeur l’habitation ouvrière, Jean-Baptiste André Godin utilise la brique, matériau local et peu cher, comme ornement. Sur les surfaces planes de la façade, les joints de parement étaient teints dans la masse en rouge ou blanc pour former des motifs originaux rappelant des alvéoles. La chaux des joints pouvait être aussi teinte en noir pour accentuer les reliefs. Certaines briques étaient même noircies à l’aide de peinture ou de fumée. Ces différences sont aujourd’hui difficiles à repérer en raison de la pollution et de l’encrassement des matériaux. La difficulté principale concerne la couleur noire de certaines briques, visible notamment sur les corniches et frontons, l’entablement des fenêtres, ou les encadrements des tableaux (un tableau est un espace entre les fenêtres, délimité par un cadre de briques en relief). Ces briques noires ont-elles été salies par le temps, ou noircies volontairement ? Le nettoyage de la façade est essentiel pour confirmer l’état des lieux du décor d’origine. Débarrassées de la pollution et de l’encrassement, les architectes ont constaté que seules les briques en creux des frontons et des encadrements de tableaux ont été assombries, afin d’accentuer la profondeur. Les corniches et entablements des fenêtres ont été noircis par un mélange d'intempéries et de pollution, ou même par les joints polychromes qui pourraient avoir coulé. Après nettoyage, on observe également des nuances de couleur sur de nombreuses briques. Cela varie de l’orange au rouge orangé, parfois même avec un motif flammé, une  particularité liée à l’argile et/ou à la place de la brique dans le four.

Le nettoyage de la façade fait également ressortir les briques abîmées, fissurées, ou même comblées avec du ciment gris. Quelques centaines de briques en mauvais état seront retirées et remplacées par des briques de même qualité que les anciennes. Les maçons vont s’approvisionner dans la briqueterie de l’entreprise Dewulf établie à Allonne, dans l'Oise. Le processus de fabrication des briques y est identique à celui du XIXe siècle, avec l’utilisation d’un four Hoffmann (un four à feu continu).

Un chantier qui s’adapte

Des modifications ont été apportées à l’échafaudage pour le renforcer. D’autres adaptations sont mises en place, notamment avec l’installation d’une « chaussette » sur les cheminées de la partie courante ouest. À l’aide d’un conduit adapté, les vapeurs de la chaufferie située dans les combles sont redirigées vers l’extérieur, ceci pour éviter la condensation sous le parapluie. L’accumulation d’humidité dans les combles pourrait dégrader les boiseries à nues, suite à la découverture. Les vapeurs émises par la chaufferie pouvant atteindre 130° C, le choix du matériau de la « chaussette » a été l’objet de longues discussions. Finalement, ce choix s’est porté sur une rallonge de cheminée galva, qui résiste à une chaleur de 100°C, tandis qu’une bâche provisoire thermosoudée a été installée.

Le chantier est dans une phase transitoire, entre nettoyage et décapage des façades et protection de la charpente en cours de restauration. La poursuite des travaux sera détaillée à travers les prochaines publications de la revue de chantier.

Afin d’en apprendre plus sur ce chantier, une médiation dédiée est mise en place. Visites, document explicatif…Suivez l’actualité du Familistère pour en savoir plus.

Le Familistère reste bien entendu accessible à la visite durant les travaux.

Restauration des parties courantes des façades du pavillon central classées aux monuments historiques

Maître d’ouvrage : Syndicat mixte du Familistère Godin
Maître d’œuvre : Eugène architectes / Charlotte Hubert, architecte en chef des monuments historiques
Ingénieurs structure : Equilibre structure
Économistes de la Construction : Cabinet Pilté
Contrôle technique et Coordination Santé Prévention Sécurité : SOCOTEC
Lot 1 échaufaudages, maçonnerie : Léon Noël à Saint-Brice-sur-Courcelles (Marne) avec Hussor Erecta à Seclin (Nord) pour les échafaudages
Lot 2 charpente : Métiers du Bois à Bretteville-sur-Odon (Calvados)
Lot 3 couverture : Entreprise Gourdon à Lavannes (Marne)
Lot 4 menuiserie : Adeco à Châtillon-le-Duc (Doubs) Lot 5 peinture Europ’Décors à Guise (Aisne)

Montant des travaux : 763 158,31 € hors taxes
Financement : Syndicat mixte du Familistère Godin, Département de l’Aisne, Région Hauts-de-France, État (Ministère de la Culture/DRAC Hauts-de-France)

Suivez l'avancée des travaux en consultant nos revues de chantier :
Revue de chantier n°1 - Couverture et maçonnerie
Revue de chantier n°2 - Cryogénie 
Revue de chantier n°3 - maçonnerie et charpente 
Revue de chantier n°4 - maçonnerie et couverture