Les grands travaux du Familistère
Les édifices du Familistère ont beaucoup souffert du manque d’entretien dans la seconde moitié du XXe siècle. Au début du siècle suivant, certains d’entre eux, abandonnés, sont ruinés. L’espace public a, quant à lui, été défiguré. Avec le programme Utopia, une longue campagne de travaux est lancée.
Restauration des édifices classés aux monuments historiques
Les édifices du Familistère sont classés au titre de la loi sur les monuments historiques en 1991. Leur restauration suivant les procédures légales et les règles de l’art est le préalable des opérations d’aménagement intérieur des bâtiments. Le principe est de restaurer les édifices « à l’identique » de leur état d’origine. La restauration doit bien entendu garantir un bon état sanitaire durable des constructions et tenir compte aussi des adaptations nécessaires à leur nouvel usage en termes d’accessibilité, d’économie d’énergie ou de sécurité du public.
Dans le cas du Familistère, les dispositions originelles de l’architecture sont assez bien connues grâce aux nombreuses photographies du Palais social réalisées depuis le XIXe siècle. Les transformations effectuées à différentes époques sur les édifices étaient multiples : remplacement des tuiles de couverture par des ardoises, installation de tôles de plastique sur les verrières des cours intérieures du Palais social, suppression des pavés de verre des coursives de l’aile gauche, effacement des châssis d’éclairage zénithal de la salle du théâtre, constructions adventices dans les économats, la buanderie-piscine ou le théâtre, pose de fenêtres disgracieuses et de volets roulants, changement de couleurs de peintures dans les cours intérieures, etc.
Le mauvais état sanitaire des façades et couvertures était la cause du développement sur les charpentes en bois d’un champignon dévastateur, la mérule, et d’une dégradation préoccupante des charpentes métalliques de l’aile gauche du Palais social. De médiocres raccordements des appartements au réseau d’eau après 1968 ont été aussi la cause de ravages de la mérule dans les planchers du pavillon central. Des fuites d’eau plus anciennes ont provoqué le soulèvement de la mosaïque de la cour de l’aile gauche. L’abandon après 1968 des économats ou de la buanderie-piscine a entraîné la ruine des charpentes et d’une partie des maçonneries. L’usure du temps a effacé le jointoiement distinctif des maçonneries de briques des façades.
Les chantiers de restauration des monuments historiques se succèdent au Familistère depuis 2000 dans un ordre défini par le programme Utopia, qui a permis l’ouverture progressive des édifices au public : restauration des bâtiments annexes (économats, buanderie-piscine, kiosque à musique, théâtre et écoles), puis restauration du Palais social (cours intérieures vitrées, puis façades et toitures). Dans la mesure où les édifices ont été construits à des époques différentes (de 1860 à 1924), et en raison de leur destination dans le programme Utopia (habitat, musée, salle de spectacle, restaurant, hôtel), chaque chantier constitue une problématique particulière que la maîtrise d’ouvrage et les maîtres d’œuvre doivent résoudre de façon inventive dans le respect de l’originalité du patrimoine familistérien.
Aménagements muséographiques, urbains et paysagers
Les aménagements extérieurs et intérieurs du site ont un impératif : développer les fonctionnalités du Familistère tout en enrichissant sa perception par les usagers et en servant la compréhension d’une expérimentation sociale d’une ampleur inédite. Il est indispensable que l’unité de lieu et de pensée du Familistère se manifeste à travers la diversité des projets d’aménagement. La nature collective de l’expérience, son fondement industriel, son caractère domestique, la générosité de ses dispositions matérielles, son économie sociale et son exemplarité forment la base les cahiers des charges que les maîtres d’œuvre sont chargés de formuler en projets.
Les grandes tables supportées par des fers de charpente dans la buvette des économats, la standardisation et le minimalisme du mobilier muséographique de la buanderie-piscine ou du pavillon central, la répétition des unités bocagères du jardin de la presqu’île, le grand vide unitaire de la place du Familistère sont quelques exemples des interprétations de l’esprit du Familistère.
Les projets ont en commun une radicalité sans ostentation, qui questionne le génie du lieu. Pour les architectes Catherine Frenak et Béatrice Jullien, il s’agit de « puiser dans le lieu même les règles de sa transformation ». La coupe grandeur nature et la Cour sonore du pavillon central, ou l’immense tapis de briques anthracite de la place montrent comment l’architecture contemporaine du Familistère entretient un dialogue intense avec son patrimoine historique. Les réalisations urbaines, paysagères ou muséographiques contemporaines partagent aussi une certaine conception de leur usage. Elles s’efforcent d’accompagner le public plutôt que de le guider, de le laisser libre de ses choix de déplacement, de parcours ou de pensée.
L’écrivain visiteur Jean-Christophe Bailly décrit parfaitement l’intention du musée de site du Familistère, dans son livre Dépaysement. Voyages en France paru en 2011 : « Ce que j’ai vu de muséal m’a paru être de la meilleur sorte, tel qu’en tout cas qu’un visiteur, même non prévenu, puisse comprendre les enjeux du lieu où il se trouve sans être le prisonnier d’une présentation pédagogiquement contraignante, sa pensée pouvant glisser sur des graphes comme être relancée par des objets […] ». L’auteur ajoute pour conclure : « Il y a des lieux qui sont justes, laissant au visiteur, le soin de pousser lui-même comme il l’entend le curseur de la mémoire ».
Maîtres d’œuvre des études et travaux du programme Utopia
Depuis 2000, une quinzaine d’équipes d’architectes, d’urbanistes et de paysagistes ont œuvré au Familistère dans le cadre du programme Utopia.
Restauration des édifices classés au titre des monuments historiques
Agence Algrin : économats, buanderie-piscine, kiosque à musique, théâtre, cour du pavillon central et cour de l'aile droite, 2000-2013.
h2o architectes et Équilibre Structures (Unanime architectes) : aile gauche, belvédère du pavillon central, monument de Godin sur la place et mausolée de Godin (ce dernier avec Karolina Samborska paysagiste), 2013-2020.
Eugène architectes : façades du pavillon central et de l’aile droite, 2018-2020.
Aménagements muséographiques, urbains et paysagers
Frédéric Ladonne : réserves des collections, 2003.
Bécard et Palay : étude d’urbanisme, 2003.
Joël Chatain, atelier Christophe Lab architectes : jardin d’agrément, 2000, 2004.
Da & DU – Sophie Besson et Nathalie Lana : programme architectural et fonctionnel du musée de site, 2005.
Frédéric Beauclair : économats, 2006.
Pattou et associés architectes urbanistes et Thiérache ingénierie : parkings des économats et de la buanderie, 2007.
Base Paysage et atelier Christophe Lab architectes : jardin de la presqu’île, 2004 et 2008.
Luca Lotti Studio : buanderie-piscine et appartement de Godin, 2008-2009 et 2017.
Atelier Frisque : théâtre, 2011.
H2O architectes et Michel Desvigne Paysagiste : place et abords du palais, 2013.
Catherine Frenak et Béatrice Jullien architectes : pavillon central, 2010 et 2014.
Pour aller plus loin :
L’album du Familistère, Guise, Les Éditions du Familistère, 2017, p. 542-615.
Notice créée le 19/09/2017. Dernière modification le 10/01/2019.