La buanderie-piscine
La lessive à domicile est la hantise des hygiénistes du XIXe siècle, parce qu’elle « corrompt » l’atmosphère du logement. La création de lavoirs publics leur apparaît comme l’une des plus notables améliorations des conditions d’existence des classes populaires. Le bâtiment « des lavoirs et bains » du Familistère n’est pas seulement dédié à la propreté du linge mais aussi à l’hygiène du corps.
Économie domestique
Pour aménager l’édifice spécial qu’il fait élever en 1870 près de la rivière, il est vraisemblable que Godin se soit inspiré des exemples mulhousiens. Les cités ouvrières de la Société industrielle de Mulhouse sont en effet équipées de plusieurs établissements perfectionnés de bains et lavoirs avec séchoirs et piscines, alimentés en eau chaude par les eaux de condensation des machines à vapeur des manufactures de textile.
Godin choisit d’édifier la buanderie-piscine du Familistère sur la rive droite de l’Oise, en contrebas de la manufacture. La pente du terrain facilite l’alimentation en eau du bâtiment et le rejet des eaux de lessive dans la rivière. Les eaux chaudes industrielles de l’usine sont acheminées par des conduites souterraines en fonte de fer jusqu’aux installations des lavoirs et bains.
Un atelier de l’hygiène
La buanderie-piscine rassemble diverses fonctions, parfaitement lisibles à l’extérieur du bâtiment. Le rez-de-chaussée abrite la buanderie, large halle à trois nefs séparées par deux files de poteaux de fonte. Le sol en ciment est bombé et creusé de rigoles d’évacuation des eaux sales. Des machines équipent l’atelier : machine à bouillir le linge et machine à essorer. La lessive proprement dite se fait dans des cuves installées par rangées de part et d’autre de l’allée centrale. De nombreuses fenêtres percées sur les façades latérales, immédiatement sous le plafond de la salle, permettent d’évacuer la vapeur d’eau.
À l’aplomb de la buanderie, un vaste séchoir à linge utilisé en cas de mauvais temps se déploie dans le comble. Il est ventilé grâce aux claires-voies de briques : une grande baie cintrée occupant tout le pignon de la façade ouest et des panneaux rectangulaires placés sur les façades latérales. La façade nord du bâtiment est flanquée d’une série de cabines de bains qui s’ajoutent à celles du Palais social.
La piscine occupe la partie aveugle de l’édifice. Elle reçoit la lumière par des châssis d’éclairage zénithal aménagés dans la toiture. L’entrée est abritée par un édicule constituant la façade du bâtiment du côté de l’usine. Le bassin, d’une surface de 50 m2 et profond de 2,50 m, est équipé d’un plancher mobile en caillebotis qu’un treuil permet de relever jusqu’à la surface de l’eau. Les enfants des différentes classes d’âge peuvent ainsi apprendre à nager sans danger.
Un monument sauvé de la ruine
Au XXe siècle, des transformations ont affecté l’architecture de la buanderie-piscine. Entre 1920 et 1950, le porche d’entrée de la piscine a été détruit, le séchoir a été amputé d’une travée pour créer une terrasse dominant le bassin de baignade et la construction de vestiaires contre la façade nord de la piscine a entraîné la destruction de cabines de bains. Abandonné en 1968, l’édifice a été vidé de tous ses équipements. Son état sanitaire s’est progressivement dégradé jusqu’à ce que la construction menace ruine à la fin du XXe siècle. La buanderie-piscine a été intégralement classé au titre des monuments historiques en 1991. Elle a fait l’objet d’un important chantier de restauration et d’aménagement en 2006-2008, qui a permis son ouverture au public.
Voir aussi sur le site :
Le Familistère par l'image : La lessive au Familistère
Pour aller plus loin :
L’album du Familistère, Guise, Les Éditions du Familistère, 2017, p. 297-303.
Jean-Baptiste André Godin, Solutions sociales, Guise, Les Éditions du Familistère, 2010 (réédition de l’ouvrage paru en 1871), p. 451-455.
Notice créée le 02/11/2017. Dernière modification le 26/08/2022.