Le théâtre du Familistère
Le théâtre n’apparaît pas dans le projet primitif de Jean-Baptiste André Godin. Ce n’est qu’après l’achèvement, en 1865, du pavillon central du Palais social, qu’il décide de construire en face de celui-ci, sur la rive sud de la place, un théâtre et des écoles. Cet ensemble définit, avec la nourricerie-pouponnat située au nord du pavillon central, un axe privilégié de la composition du Familistère.
Un théâtre bourgeois mais populaire
Le théâtre du Familistère est inauguré le 5 juin 1870 à l’occasion de la fête du Travail. La partie en avant-corps sur la place comprend l’accueil au rez-de-chaussée et le foyer à l’étage dont les fenêtres offrent un beau panorama sur le Palais social. Les renflements de part et d’autre de l’avant-corps correspondent aux escaliers desservant le foyer et les balcons de la salle de spectacle. L’édifice est relié aux écoles par deux cours. Les façades sont animées par une riche modénature et par la polychromie de la maçonnerie de briques. Les encadrements des baies sont formés par des briques orangées. Les joints de la maçonnerie sont blancs, noirs ou rouges pour accentuer les reliefs et dessiner une résille au motif de petites croix sur les parties planes.
La salle de spectacle est à l’italienne (en forme de U), sur le modèle du théâtre bourgeois du XIXe siècle. Une élégante structure en fonte de fer soutient trois niveaux de balcons en bois. Le plancher de scène est élevé et présente une pente prononcée. Les dessous de scène et les cintres permettent de loger une machinerie assez importante. La salle est éclairée au gaz. Le théâtre du Palais social est toutefois dépourvu des ornements du théâtre bourgeois.
A l’origine, la salle ne présente aucun décor, le sol du parterre est en ciment, elle offre de simples bancs à ses spectateurs. Les sociétés théâtrales et musicales du Familistère, ainsi que des troupes en tournée dans la région, s’y produisent. La salle pouvait accueillir un millier de personnes au XIXe siècle, soit la totalité de la population familistérienne avant 1880. Le théâtre est, avec la cour du pavillon central, un lieu privilégié des célébrations des fêtes et cérémonies du Familistère.
Une salle d’enseignement
Une disposition particulière permet au théâtre de remplir des fonctions diurnes sans le secours de l’éclairage au gaz : grâce à quatre châssis vitrés d’éclairage zénithal ouverts dans la toiture, la salle bénéficie d’une lumière naturelle importante.
Enchâssé dans les écoles et communiquant directement avec ses préaux, le théâtre est une salle d’enseignement pour les élèves ; il constitue même, selon Godin, « la division supérieure de l’enseignement et de l’éducation générale ». Les enfants de l’école primaire y prennent des cours de déclamation pour apprendre à s’exprimer devant un auditoire, et ainsi faire valoir leur opinion en tant que futurs citoyens et associés. Ils travaillent le chant, la musique et la comédie pour des représentations à l’occasion des fêtes de l’Enfance et du Travail.
La tribune du Familistère
Le théâtre est « l’édifice consacré à la parole et à la glorification du travail », « la tribune du Familistère » dit Godin dans son discours d’inauguration du 5 juin 1870. Il est l’espace public de la communauté familistérienne. Le fondateur y prononce des conférences aux habitants et au personnel du Familistère, l’assemblée générale des associés de l’Association coopérative du capital et du travail y tient ses réunions statutaires, les conseils du Familistère y siègent. « Le théâtre, écrit Godin dans Solutions sociales, comme salle d’enseignement et de conférence, doit devenir au Palais social, pour toute la population, le temple de la religion de la vie et du travail. » Le théâtre est le lieu où la population du Palais social devrait se « relier ». Godin voudrait que l’Association coopérative du capital et du travail s’y rassemble en tant que communauté spirituelle plutôt que comme une association d’intérêts matériels. Le théâtre est le projet d’une église consacrée à une religion laïque, reconnaissant le travail comme génie du progrès de l’existence humaine, dont Godin serait le prophète.
Un équivalent de la richesse du XXIe siècle
Après 1918, le théâtre subit diverses transformations. Un édicule est construit contre la façade arrière pour le rangement des décors. Les boiseries et le plafond reçoivent une décoration peinte. Le sol du parterre est couvert d’un plancher en bois. Des fauteuils dessinés par l’usine du Familistère en 1928 remplacent les bancs.
Après la disparition de la Société du Familistère, le théâtre est cédé en 1971 à la Ville de Guise. Il est classé en totalité au titre des monuments historiques en 1991. La restauration de l’ensemble des façades et toitures du théâtre et des écoles à partir de 2008 a redonné son éclat aux façades. Les dispositions du théâtre ont été adaptées pour assurer l’accessibilité, la sécurité et le confort du public sans altérer les qualités spatiales et acoustiques de la salle. La nouvelle jauge est de 450 places, dont 346 places assises, du parterre au deuxième balcon. L’équipement scénique donne à la salle les moyens d’accueillir dans de bonnes conditions techniques le spectacle vivant, les conférences ou les séminaires.
Depuis sa réouverture en juin 2011, le théâtre du Familistère propose une saison annuelle de spectacles, dont le programme est éclectique et tout à fait contemporain. C’est un véritable équivalent de la richesse, dans une ville de 5 000 habitants en milieu rural. Ce temple laïc est aussi un temps fort de la visite du musée de site.
Voir aussi sur le site :
Le Familistère par l'image : La démocratie au théâtre
Notice créée le 02/11/2017. Dernière modification le 26/08/2022.