Le Familistère après 1968
Sous le régime de l’Association coopérative, jusque 1968, le Familistère est une propriété collective unitaire. Après sa dissolution, la propriété est morcelée et le Palais social se dégrade.
L’industrie après 1968
Dès la fin des années 1950, la mise en place du marché commun européen et la concurrence accrue mettent à mal les usines de la Société du Familistère. Entre 1951 et 1967, les effectifs de la société et le nombre d’appareils produits sont divisés plus que de moitié. Aux causes externes s’ajoutent des difficultés internes, symptomatiques d’un essoufflement de l’esprit coopératif : la qualité d’associé est devenue héréditaire, l’innovation n’est pas stimulée et les investissements sont devenus insuffisants.
L’usine belge de Laeken cesse son activité dès 1961-1962. Les ateliers sont ensuite occupés par différents entrepreneurs. Racheté par un promoteur, le site industriel est rasé en 2013 pour laisser place à un centre commercial. Des constructions anciennes ne subsistent qu’un bâtiment de l’indiennerie rachetée en 1857 par Godin pour y établir son usine, et le pavillon d’habitation aujourd’hui abandonné.
À Guise, l’effort de modernisation de l’usine entamée par l’administrateur-gérant Raymond Anstell, et sa tentative pour trouver un partenaire financier, n’empêchent pas la ruine de l’Association coopérative du capital et du travail. Le 22 juin 1968, l’assemblée générale approuve la dissolution de l’Association en société anonyme. Godin SA est créée et les titres d’épargne sont transformés en actions. En 1970, le PDG de la société Le Creuset, fabricant de poteries culinaires en fonte à Fresnoy-le-Grand (Aisne) conduit un plan de sauvetage de l’entreprise et peut racheter les titres à 50% de leur valeur nominale. Le Creuset devient propriétaire des biens de la Société du Familistère.
En 1988, le groupe Cheminées Philippe, dont le siège est à Béthune (Pas-de-Calais), reprend Godin SA et entreprend le redressement de la marque. L’entreprise retrouve une position avantageuse en France pour les appareils en fonte de fer émaillée, cuisinières et surtout poêles à bois. En 2018, l’entreprise emploie près de 250 personnes.
Le Palais social après 1968
La dissolution de l’Association du Familistère en 1968 met un point final à plus de cent ans de vie communautaire. Dès l’année suivante, le théâtre et les écoles du Familistère sont cédés à la Ville de Guise. En 1981, celle-ci acquiert les économats, la buanderie-piscine et le kiosque à musique puis, en 1997, pour un franc symbolique, le jardin d’agrément. La plupart de ces annexes du Palais social sont laissées à l’abandon ou subissent des transformations malheureuses.
En 1970, la société Le Creuset met en vente les logements du Palais social. Chaque pavillon d’habitation constitue une copropriété distincte réunissant propriétaires occupants et propriétaires bailleurs. Faute de pouvoir engager des travaux importants, les parties communes se dégradent. Ainsi, les verrières du pavillon central et de l’aile droite sont remplacées par une couverture de tôles en plastique, qui va peu à peu s’obscurcir et laisser filtrer l’eau. Les logements sont progressivement dotés des éléments minimums du confort moderne. Cependant, cette modernisation se fait de manière contrastée. Les propriétaires occupants jouissent en général d’un logement confortable, tandis que les locataires vivent parfois dans des logements vétustes. Des tensions apparaissent entre les anciens Familistériens et les nouveaux résidents, arrivés « par défaut » au Familistère. Un nombre de logements de plus en plus important restent vacants. L’image du Palais social devient négative auprès des habitants de la région.
Le classement du Familistère au titre des monuments historiques en 1991 évite que soient dénaturés les édifices, dont l’état sanitaire devient cependant préoccupant. Leur réhabilitation est entreprise à partir de 2000 dans le cadre du programme Utopia de valorisation du Familistère de Guise.
Pour aller plus loin :
L'album du Familistère, Guise, Les Éditions du Familistère, 2017, p. 360-387.
Notice créée le 19/09/2017. Dernière modification le 10/01/2019.