Une éducation intégrale
Pour les réformateurs radicaux, l’éducation pour tous est une clé de la transformation sociale. Il s’agit de former l’homme nouveau. Charles Fourier nomme « intégrale » l’éducation embrassant tous les détails du corps et de l’âme. La conception fouriériste de l’éducation, admirée par Godin, est mise en pratique au Familistère.
Du berceau à l’âge adulte
L’autodidacte Jean-Baptiste André Godin considère que l’éducation est le plus précieux des équivalents de la richesse prodigués par le Palais social. Il est profondément convaincu qu’elle est la condition de l’émancipation des classes populaires, le fondement de la vaste réforme sociale qu’il projette. Au Familistère, l’éducation est accessible à tous sans exception et touche toutes les capacités de l’être humain. Elle est gratuite, puisque dispensée aux frais de l’établissement industriel, et mixte pour être conforme à ce que Godin nomme une « règle naturelle ». Elle est également laïque et obligatoire jusqu’à 14 ans. L’éducation au Palais social est, enfin, intégrale, au sens de Charles Fourier : intellectuelle, physique et morale.
Le système éducatif est organisé dès les débuts du Familistère. Les services de l’enfance comprennent trois départements : la crèche ou nourricerie-pouponnat destinée aux enfants de 15 jours à 4 ans, l’asile ou bambinat pour les 4 à 6 ans et l’école primaire pour les 6 à 13 ans. À l’intérieur de ces établissements, les enfants sont répartis en sept classes d’âge. Ils peuvent ensuite entrer en apprentissage dans les ateliers industriels ou les services du Familistère, « à moins d’une autre vocation », précise Godin.
L’éducation au Familistère n’est pas limitée à l’enfance et à l’adolescence : elle doit être non seulement intégrale mais aussi permanente. Le théâtre, avec son programme de conférences et de spectacles, ou la bibliothèque ouverte le soir afin que les travailleurs puissent s’y rendre après le travail, viennent compléter le vaste projet éducatif de Godin.
Les lieux de l’éducation
Avant la construction de bâtiments adaptés à chaque degré d’enseignement, les services de l’éducation sont établis dans des salles des économats pour la petite enfance et des pavillons d’habitation pour l’enseignement primaire. Ces aménagements temporaires sont abandonnés lors de l’achèvement de la nourricerie-pouponnat en 1866 et du groupe du théâtre et des écoles en 1870. Situés au nord et au sud du pavillon central, ils constituent un pôle d’organisation du Familistère, manifestant dans l’espace de la cité le rôle primordial de l’éducation. En plus de ces bâtiments spécifiques, il faut aussi compter parmi les lieux d’éducation du Familistère : la piscine, le jardin d’agrément ou l’usine.
Une pédagogie attrayante
Selon Godin, l’éducation doit contribuer au développement intellectuel et physique harmonieux de l’enfant. Elle inculque les règles de la vie en société et les connaissances qui lui seront utiles. L’apprentissage des matières générales – l’écriture, la lecture, les mathématiques, la géographie ou l’histoire naturelle –, s’accompagne de cours de gymnastique ou de travaux manuels. Les classes trouvent un prolongement au théâtre pour des leçons de déclamation, ou au jardin d’agrément pour une initiation au jardinage.
La méthode éducative en vigueur au Familistère s’inspire des travaux des pédagogues contemporains de Godin. Elle emprunte à Marie Pape-Carpantier avec laquelle le fondateur correspond lors de l’installation du bambinat. Elle s’inspire également des méthodes basées sur le jeu, l’exercice et la manipulation élaborées par l’allemand Friedrich Froebel.
L’éducation, prise en charge par des enseignants professionnels, est attrayante. Elle a recours à un matériel pédagogique moderne : syllabaires, bouliers-compteurs, jeux de construction, casiers minéralogiques, cartes murales, etc. La pédagogie repose sur l’émulation plutôt que sur la férule. Les châtiments corporels sont d’ailleurs interdits, et la bienveillance est la règle défendue par Godin. Les élèves sont encouragés par un système de récompenses et de compliments, qui est donné en spectacle lors de la fête de l’Enfance, créée en 1863.
Nombre de personnes engagées dans la réforme du système éducatif ont visité le Familistère pour découvrir ses institutions modèles. Parmi eux, figurent le pédagogue anarchiste Paul Robin, l’éditeur de périodiques illustrés de pédagogie nouvelle Jules Delbruck ou Jean Macé, militant pour l’éducation populaire et fondateur de la Ligue de l’enseignement en 1865.
Voir aussi sur le site :
Une architecture au service du peuple : nourricerie et pouponnat.
Une architecture au service du peuple : les écoles du Familistère.
Pour aller plus loin :
L'album du Familistère, Guise, Les Éditions du Familistère, 2017, p. 304-339.
Jean-Baptiste André Godin, Solutions sociales, Guise, Les Éditions du Familistère, 2010 (réédition de l’ouvrage paru en 1871), p. 494-537.
Notice créée le 19/09/2017. Dernière modification le 26/08/2022.