La société festive
« La fête du Travail est un pas fait dans la voie des gloires futures du travailleur. » (discours de Godin à la fête du Travail du 6 mai 1877)
Des fêtes laïques
À société nouvelle, fêtes nouvelles. Une société vierge de traditions ou s’efforçant de se dégager de celle-ci doit élever de nouveaux repères. Elle doit inventer des rituels communautaires inédits, des célébrations non commémoratives, qui déploient un panorama de l’avenir. C’est le sens que Godin donne aux deux fêtes annuelles qu’il institue au Familistère : la fête de l’Enfance en 1863 et la fête du Travail en 1867.
La fête de l’Enfance célèbre l’éducation et l’instruction ; elle récompense les enfants de la nourricerie et des écoles du Familistère qu’elle met en valeur autant que leurs parents de conditions diverses. La fête du Travail glorifie le travail créateur de richesses, magnifie l’association coopérative et distribue des primes aux travailleurs méritants. Les deux fêtes sont les balises laïques du calendrier familistérien sur lequel on s’applique à effacer les fêtes religieuses patronales. La fête de l’Enfance a lieu à la fin de l’été qui correspond à la fin de l’année scolaire au Familistère, alors que la fête du Travail se tient au printemps. Les dates ne sont pas fixes à l’origine ; elles sont arrêtées au milieu des années 1870 au premier dimanche de septembre et au premier dimanche de mai.
Propagande d’un monde nouveau
À la différence des fêtes populaires traditionnelles, qui, déplore Le Devoir en 1881, « se ressemblent par une commune banalité et un terre à terre désespérant », les fêtes du Familistère ont un but : « chacune [a] un caractère symbolique propre et très caractérisé qui n’échappe à aucun spectateur », elles sont « des solennités de la religion de l’avenir ».
Le décor parlant des fêtes, leur spectaculaire liturgie frappent en effet les observateurs. Elles mettent en scène le Palais social, ses institutions et la communauté de ses habitants et travailleurs. L’expérimentation sociétaire est elle-même exposée dans ces occasions à travers les essais de répartition des bénéfices au talent par voie d’élection ou par la participation de la population à l’organisation de la fête. Les fêtes de l’Enfance et du Travail sont des manifestations de propagande du monde nouveau, des démonstrations publiques du succès social et économique du Familistère à l’intention des habitants de la ville et de la région, dont il faut vaincre le scepticisme ou l’hostilité. Il s’agit aussi de renforcer la conviction des Familistériens eux-mêmes : Le Devoir écrit en 1881 qu’il faut « leur faire sentir par la solidarité de leurs plaisirs la solidarité de leurs intérêts ».
Les sociétés d’agrément
En dehors des grandes fêtes, la vie quotidienne des Familistériens a de multiples occasions de divertissement. Pour développer, à travers le plaisir commun, le sentiment de solidarité entre les membres de l’Association, Godin et ses successeurs encouragent la création par la population de diverses sociétés d’agrément : musicale (1860, devenue harmonie en 1872), théâtrale (1869), d’archers (1869), de tir à la carabine (1872), de gymnastique (la Pacifique, 1884), d’escrime (1889), une fanfare (1892), etc. Le Familistère a même, à l’imitation du phalanstère de Fourier, une société de gastrosophie (la science de la bonne chère), qui participe à l’organisation des banquets.
Voir aussi sur le site :
Le Familistère par l'image : La fête du Travail
Pour aller plus loin :
L'album du Familistère, Guise, Les Éditions du Familistère, 2017, p. 360-387.
Notice créée le 19/09/2017. Dernière modification le 26/08/2022.