4 juin 2019
Permettre / empêcher
Il y a dix ans, le Familistère mettait au point un petit avis d’information à l’intention des visiteurs du musée de site. Sa raison d’être se trouve dans la nature particulière de la collection et dans l’histoire même du Familistère. De nouveaux modèles de cette signalétique originale vont prochainement être déployés dans les salles d’exposition permanente.
Excès de curiosité
« Ne pas toucher » est une injonction qui peut s’imposer au public avec la force de l’évidence dans beaucoup de musées. Il n’en va pas ainsi au Familistère. Les pièces exposées ne jouissent pas naturellement du prestige attaché à une collection de beaux-arts. Les poêles et les cuisinières sont, ainsi, les objets d’une curiosité qu’on pourrait dire excessive de la part des visiteurs et visiteuses. Avant leur entrée au musée, il s’agissait d’objets du quotidien, d’appareils domestiques utilitaires. Construits en fonte de fer, ils sont réputés d’une grande solidité. Aussi, le ,public est-il enclin à les « explorer » : en ouvrant les portes du foyer, du four ou des étuves, en tirant le tiroir du cendrier, en manipulant le robinet de la chaudière ou en soulevant les tampons de la table de cuisson. Le sentiment de familiarité que le public entretient avec ce mobilier est une des raisons de cette pratique régulièrement constatée. Le caractère diffus du musée de site du Familistère, son atmosphère volontairement assez peu muséale, contribue peut être aussi à inspirer des comportements de visite peu compatibles avec la bonne conservation d’objets déjà fragilisés par une longue période d’usage.
Mettre à distance
L’aménagement, dans l’emprise d’anciens logements, des salles d’exposition permanente du pavillon central du Familistère, ne permettait une mise à distance satisfaisante des objets de grandes dimensions. En 2009, un an avant l’ouverture des premières salles, la question s’est donc posée d’un cartel de prévention susceptible de pallier cette insuffisance de l’espace. L’idée fut d’essayer de susciter une réaction plus complexe que celle provoquée par le traditionnel et sévère « Ne pas toucher ». Il s’agissait en quelque sorte de générer une distance intellectuelle pouvant compenser l’absence de distance physique. Et pour y parvenir, il a semblé judicieux de s’inspirer de l’expérimentation familistérienne au XIXe siècle : l’organisation collective fondée sur la liberté individuelle ; l’éducation à l’usage des choses communes par l’attrait et non par la contrainte, par l’incitation plutôt que par le règlement.
L’avis n’est pas impératif mais stimulant. Il offre aux personnes qui fréquentent le lieu un choix ouvert de propositions, y compris celui de ne trouver aucune satisfaction à visiter le site. Ce qu’il est possible de faire ici dépasse de très loin ce dont il est souhaitable, pour le bien commun, de s’abstenir. Permettre avant d’empêcher. Des visiteurs et visiteuses ont été particulièrement sensibles à cette façon d’entrer en relation avec le public : après 2010, on a vu en effet le cartel du pavillon central être reproduit dans d’autres musées, parfois avec l’agrément du Familistère de Guise.
Généralisation de l'avis
En 2019-2020, le Familistère conduit un chantier de restauration d’appareils en fonte de fer acquis ces dernières années, en vue de leur présentation dans les salles d’exposition permanente. L’opération comprend un volet de sécurisation des parties fragiles de ces appareils. Pour accompagner ce renouvellement partiel des collections exposées, trois variantes du petit avis ont été créés et une campagne d’affichage des nouvelles versions est prévue dans les différents lieux du musée de site. L’invitation à adopter une attitude de visite à la fois libre et respectueuse des collections et de l’architecture du Palais social sera ainsi généralisée à l’ensemble du Familistère.