4 mai 2020
Récits du Familistère au temps du Coronavirus La statue de Godin
L’épidémie de Coronavirus apparue en janvier 2020 provoque un état d’urgence mondialisé qui confine l’humanité, mais qui ne peut suspendre la pensée et le désir d’une société alternative dont chacun·e conçoit bien l’extrême nécessité. Nous rongeons notre frein, mais pas seulement. Beaucoup d’entre nous s’appliquent à réfléchir à l’état de défiance et s’emploient à le surmonter. Plusieurs fois par semaine de confinement, le Familistère invite une personnalité, géographe, historien·ne, artiste, architecte, sociologue, écrivain·e, entrepreneur/euse ou médecin, à proposer la lecture d’une image du Familistère dans le contexte de l’épidémie et de ses conséquences sociales et politiques. Aujourd'hui, Vincent Gadras, scénographe.
UN HOMME DEBOUT REGARDE AU LOIN…
Un homme debout regarde au loin, nous sommes derrière lui.
Il regarde vers Dallas où les premières expériences fouriéristes de Victor Considerant sont en cours. Il les soutiendra et, malgré leur échec, elles l'inspireront et le guideront.
Il regarde vers Lille et le quartier Saint Sauveur où les familles de chômeurs s'entassent dans des caves. Le taux de mortalité infantile de 1844 à 1852 y dépasse les 43 %.
Pour l'époque, c'est un riche bourgeois. En fait, Jean-Baptiste Godin est un homme simple et opiniâtre, utopiste et visionnaire.
L'arrêt de son projet de l’association coopérative du Familistère pose question : peut-être qu'il est devenu inutile, ce qui serait une belle fin ; la misère sociale est moins spectaculaire qu'au XIXe siècle, mais nous savons bien que non…
À défaut de recette miracle, j'ai un nom à proposer : Archipel Humain Heureux. Ce pourrait être un Familistère actualisé et étendu à la taille d'une ville moyenne.
On peut rêver...
mais n'attendons pas le nouvel homme debout qui regarde au loin.
Vincent Gadras
Vincent Gadras est scénographe et constructeur. Au sein du collectif Tout reste à faire, il développe avec le plasticien Mathieu Desailly et le compositeur David Chalmin un merveilleux projet, Anima (ex) musica, dont le bestiaire utopique sera présenté au Familistère de Guise en 2021.
La photographie de la statue de Godin a été réalisée dans le cadre d'une commande photographique sur le Familistère confiée à Hugues Fontaine en 2002-2003 et qui a en partie été publiée dans Les Lettres du Familistère, par Jean-Baptiste André Godin et Hugues Fontaine (Les Éditions du Familistère, 2008, réédition en 2011).